A compter du 23 septembre, la compagnie maritime corse proposera des ateliers de sensibilisation à la biodiversité et au climat à ses voyageurs Marseille-Corse et Corse-Marseille. Un projet expérimental mené en partenariat avec l’Office français de la biodiversité et l’Ademe Paca, à bord d’A Galeotta, le premier navire propulsé au Gaz Naturel Liquéfié (GNL) de CORSICA linea.
C’est lors d’une traversée où elle regagnait Marseille depuis l’Ile de Beauté que l’idée a fusé dans l’esprit de Solène Cusset : pourquoi ne pas profiter de ces voyages méditerranéens en ferries pour sensibiliser largement les passagers des traversées Marseille-Corse et Corse-Marseille aux enjeux de biodiversité et du climat ? Des touristes, des familles, des transporteurs, des travailleurs saisonniers, mais aussi l’équipage de bord… Soit un public captif potentiel de 250 à 600 personnes par traversée, à priori des plus disponibles pour prendre le temps de s’adonner à des ateliers ludiques et attractifs autour de l’importance de la préservation de la planète et du vivant.
Transformer en mer les comportements sur terre
Débarquée à quai, l’animatrice du projet Life ARTISAN à l’Office français de la biodiversité mûri la réflexion et se rapproche de l’Ademe Paca pour lui soumettre son ébauche de « Traversées de la biodiversité et du climat » pour rejoindre la Corse depuis Marseille et inversement. Elle trouve en l’antenne régionale de l’Agence de la transition écologique un autre partenaire public, complémentaire à ses actions, prêt à financer pour moitié cette opération expérimentale chiffrée à 100 000 €.
« La volonté, c’est de transformer en mer les comportements sur terre, en faisant intervenir une dizaine d’associations marseillaises et corses pour l’animation de plusieurs ateliers d’une durée de quinze minutes à une heure », avance Olivier Blancheton, chargé de mission Transition écologique à l’Ademe Paca. Mais de quelle compagnie maritime se rapprocher pour voir naviguer le projet, sans plonger dans les flots douteux, et très en vogue, du « greenwashing » ?
« Le zéro carbone » du fret maritime de rigueur pour 2050
Le fret maritime représente en effet l’un des plus grands émetteurs mondiaux de CO2 (près de 3%), comme l’ont rappelé, en novembre dernier lors de la COP27 de Charm El-Cheikh, les gouvernements américain et norvégien. Pour mieux faire prendre conscience de son impact, ils se sont appuyés sur un ordre de grandeur : « Si le transport maritime était un pays, il se classerait parmi les dix plus grands émetteurs mondiaux ». Une métaphore suffisamment parlante pour que l’Organisation maritime internationale (OMI) se voit sommer de viser le « zéro carbone » d’ici à 2050 – horizon butoir où le volume de commerce maritime devrait tripler-, plutôt que de s’en tenir à une réduction de moitié de ses émissions de CO2.
Des traversées maritimes Marseille-Corse plus durables
Après l’étude des différentes compagnies maritimes qui relient Marseille à l’Ile de Beauté, Solène Cusset se rapproche de CORSICA linea. L’inscription de la compagnie au sein du parcours de la Convention des entreprises pour le climat Provence-Corse 2023 n’y est sans doute pas étrangère. Une expérience qui s’apparente à « une prise de conscience » pour Pierre-Antoine Villanova, son directeur général, et qui a eu l’effet de rehausser de 10% supplémentaires l’ambition de réduction des émissions de CO2 des neufs navires de la compagnie d’ici à 2030. Soit, 40% au lieu de 30% par rapport à 2022, quand la flotte émet actuellement quelque 330 000 tonnes d’émissions de dioxyde de carbone par an. Une fois 2040 venus, CORSICA linea ambitionne même de « s’approcher de la neutralité carbone ».
« Ce cap ambitieux couvre un large spectre de leviers allant de la sobriété à l’amélioration de la performance énergétique des navires, aux nouveaux carburants et à la limitation de l’impact des activités humaines sur la biodiversité », commente Lucie Junet, directrice des Affaires publiques et institutionnelles chez CORSICA linea (lire notre encadré).
250 millions d’euros investi par la compagnie pour sa transition
Et si c’était le plan d’investissement déployé par CORSICA linea en faveur de l’adaptation et du renouvellement de sa flotte (plus de 250 millions d’euros à ce jour, quand les engagements financiers prévus d’ici à 2030 sont du même ordre de grandeur) qui a finalement convaincu l’animatrice de l’OFB de l’engagement écologique de la compagnie ? Un investissement soutenu par l’Etat, la Région Sud, et l’Ademe Paca, qui profite notamment à l’électrification de ses navires dans le port de Marseille, dans le cadre du plan « Escale Zéro Fumée », et qui permet d’abaisser les taux d’émissions atmosphériques en soufre, azote et particules fines de ses carburants. Ou, peut-être encore, la volonté de son directeur général de sensibiliser ses collaborateurs, à bord comme à terre, aux enjeux du changement climatique en accueillant des animateurs de la Fresque du Climat ?
Des traversées dans un navire propulsé au GNL
Toujours est-il que c’est bien à bord d’A Galeotta, le premier navire propulsé au Gaz Naturel Liquéfié de CORSICA linea (acquis début 2023, quand un second est attendu pour 2026), que s’effectueront les « Traversées de la biodiversité et du climat » de l’Office national de la biodiversité et de l’Ademe Paca. Programmées à compter du 23 septembre, et courant jusqu’en octobre pour cette année 2024, elles doivent se poursuivre à la saison estivale 2025 (juin, juillet, août), accueillant à son bord les animateurs-sensibilisateurs des associations WeOcean, Ecosens Synchronicity, Surfrider, Les Petits Débrouillards, le Conservatoire d’Espaces Naturels de Corse, Mare Vivu, le pôle nature de Le Naturoscope, toutes regroupées sous la tutelle des Centres Permanents d’Initiatives pour l’Environnement (CPIE) Côte Provençale et de Bastia U Marinu.
Des allers-retours depuis les ports de Marseille, Ajaccio et Bastia
Ces traversées écologiques s’inscrivent dans un pool de 50 projets menés par CORSICA linea en faveur de la transition écologique et énergétique. Au total, une quarantaine de voyages Corse-Marseille et Marseille-Corse sont programmés depuis le port marseillais et les ports de Bastia et d’Ajaccio. Des traversées en Méditerranée où les passagers embarqués pourront s’adonner à l’observations du plancton, l’écoute des mammifères marins, profiter d’une sensibilisation à la mobilité, au tourisme et à l’alimentation durable, à la sobriété énergétique, au cycle de l’eau et à la biodiversité. Et au travers desquelles Solène Cusset espère inciter quelque 6 600 citoyens à adapter leurs comportements sur terre, une fois débarqués de cette expérience en mer.
CORSICA linéa, une compagnie maritime engagée ?
Corsica linea est la première compagnie à être passée au Gaz Naturel Liquéfié (GNL) pour la desserte de la Corse. Une énergie fossile transitoire, qui demeure l’une des énergies parmi les plus matures industriellement pour le maritime, et qui permet de réduire de 20% les émissions de CO2 par rapport au carburant traditionnel, tout en supprimant 95% des émissions d’oxyde de soufre (SOx), et 85% d’azote (Nox). Ce recours au GNL permet de préparer la Compagnie à l’entrée en vigueur de la Zone de Contrôle des Emissions de Soufre (SECA) en mer Méditerranée en 2025, qui limitera la teneur en soufre des carburants à 0.1%.
Le souhait de CORSICA linea est de pouvoir migrer par la suite vers du bio-GNL, une énergie totalement décarbonée (biométhane liquéfié produit à partir de matières organiques telles que les déchets), dont la disponibilité reste encore à sécuriser à ce jour.
Depuis la saison estivale 2023, elle a incorporé du biodiesel dans 5 des 9 navires de sa flotte (réduction de 85% des émissions polluantes par rapport à l’équivalent fossile).
Pour améliorer l’efficience énergétique de ses navires, CORSICA linea mise également sur une peinture en silicone pour recouvrir ses coques -ce qui leur offre la capacité de mieux glisser dans l’eau-, et le changement des bulbes de navires et des pales d’hélices pour consommer moins, comme sur la réduction des vitesses de navigation qui influe sur la baisse des émissions de CO2.
Un mix de solutions déployées pour décarboner sa flotte qui s’avère efficient : en 2023, la compagnie maritime corse a réduit ses émissions par mille nautiques de 8% par rapport à 2022.