La fin de la vente des véhicules thermiques neufs en Europe en 2035 aura donné lieu à d’intenses débats lors de la campagne des élections européennes, que ce soit pour la confirmer ou la remettre en cause. Avec la large percée de l’extrême droite dans les urnes lors de ces élections européennes de juin, parti qui promet de revenir sur cette fin annoncée du moteur thermique en 2035, le déploiement des véhicules électriques en France et en Europe pourrait être compromis.
On peut rappeler utilement que le secteur des transports reste le plus émetteur de GES en France, avec presque un tiers des émissions nationales en 2023, et un quart au niveau européen, dont près de 50% sont dues aux voitures individuelles. C’est également le seul secteur dont les émissions n’ont pas baissé depuis 1990. A eux seuls, les transports consomment près de la moitié des produits pétroliers importés en France, ce qui représentait 28% du déficit commercial français en 2022.
Le respect de nos trajectoires climatiques, nécessaire pour éviter un réchauffement global au-delà de +2°C, impose une décarbonation complète du transport routier en 2050 et une baisse de 40% de ses émissions d’ici à 2030, en France comme sur le territoire européen.
L’électrification des véhicules, sans être suffisante, est indispensable à notre feuille de route et elle doit être accélérée, tant l’usage de la voiture est au cœur de l’objectif de décarbonation de nos sociétés. Même si la fabrication d’une voiture électrique (VE) émet de 1,5 à 2 fois plus de CO2 que son équivalent essence ou diesel, elle émettra en Europe de deux à quatre fois moins de CO2 en cycle de vie complet (fabrication, usage et production de l’énergie).
Pour décarboner la mobilité automobile, viser un parc 100 % électrique en 2050 est donc bien l’option la plus efficace, y compris en termes d’énergie. Les alternatives bas carbone (hydrogène, carburants de synthèse ou biocarburants) ne pourront occuper qu’une place marginale dans la mobilité : leur disponibilité étant limitée, elles doivent en priorité être affectés aux usages ayant peu d’options de décarbonation.
Autrement dit, pour The Shift Project, le passage à la voiture électrique n’est pas à remettre en question, ni la date de 2035, compte tenu de durée de renouvellement du parc automobile, estimé à environ 15 ans.
Pour autant, la voiture électrique est-elle sans inconvénient et permettra-t-elle de résoudre tous les problèmes liés à la mobilité ? Certainement pas. La mobilité doit s’appréhender de façon globale et systémique en interrogeant nos besoins de déplacements, et la place qu’occupe la voiture aujourd’hui.
Que ce soit pour des raisons climatiques ou de confort de vie, il apparaît indispensable de réfléchir collectivement à l’organisation de nos territoires et d’engager dès à présent des transformations qui réduisent structurellement les besoins de nous déplacer. La mobilité n’est souvent pas un choix, mais un besoin pour accéder à un travail, un logement, un service, un proche…
Les distances parcourues au quotidien n’ont fait que croître, notamment en raison de l’élargissement de nos bassins de vie, rendu possible par la voiture et le pétrole abondant et bon marché. Décarboner nos mobilités, c’est donc aussi repenser l’aménagement des territoires en rapprochant les lieux d’habitation des lieux de travail, de divertissement, de services et d’achats.
Nous devons également permettre et faciliter l’accès et l’usage des modes de transport les moins carbonés : transports collectifs ferrés ou routiers, deux-roues électriques, véhicules légers intermédiaires, vélos. Cela suppose d’organiser les complémentarités entre les modes de transport et sortir du « tout-voiture » qui s’est imposé avec la démocratisation de l’automobile. Ces transformations seront longues à mettre en œuvre, il est d’autant plus urgent de les engager rapidement.
Enfin, la voiture doit à la fois retrouver sa juste place et sa juste taille. Juste place en complémentarité d’autres modes de transports, là où elle restera indispensable. Et juste taille, en inversant la tendance des dernières décennies, qui consiste à proposer des voitures de plus en plus grosses, de plus en plus lourdes, de plus en plus équipées et bien sûr, de plus en plus chères !
Le développement d’une offre de petits véhicules électriques fabriqués en France, légers et sobres en matières et en énergie, est une condition pour la rendre accessible et acceptable à tous et pour tenir notre trajectoire climatique.